Dossier n°3, novembre 2000 : 

Une expérimentation : 

Reconstitution d'un fourneau à sel protohistorique et fabrication de sel

Par C. CHAIDRON (doctorant Lille 3 - guide animateur à SAMARA. Webmaster de Gallia Belgica )

(cliquez sur les images pour les agrandir)

Sur une idée de Jean-Louis CADOUX (Université de Picardie, que je remercei tout particulièrement), j'ai mis en place à Samara (parc de reconstitutions archéologiques, Somme) le projet de la fabrication de sel ignigène (par le feu) selon la méthode protohistorique typique des rives de la Manche. Cette expérimentation s'est mise en place alors que dans le monde archéologique la question du sel (fabrication, utilisation, types de contenant,...) est d'actualité (fouilles de l'A16 en Picardie, travaux de Gilles PRILAUX, de Nicolas ROUZEAU, Olivier WELLER, M.-Y. DAIRE, P. GOULETQUER, H. THOEN,...).

Le projet s'est accéléré après la parution de l'ouvrage de Gilles PRILAUX puisque celui-ci m'a permis d'avoir une nouvelle approche pour la construction du fourneau. En effet, travaillant avec peu d'informations, un premier fourneau a été réalisé mais il s'est écroulé lors de sa cuisson.

Occasionnellement, j'ai pu mettre en place une équipe à SAMARA autour de ce projet et sans l'aide passionnée de certains de mes collègues (guides-animateurs surtout, guides vacataires, artisans, employés de la maintenance) et le temps libre que nous a dégagé la direction de SAMARA jamais ce projet n'aurait pu être mené à terme, qu'ils en soient vivement remerciés (notamment Philippe, Luc, Claude, David et tous ceux qui ont mis les mains dans le torchis!). Je tiens aussi à remercier avec beaucoup de plaisir Noël MAHEO (conservateur d'archéologie au Musée de Picardie) pour ses informations et Gilles PRILAUX (Chargé d'études AFAN) pour être venu voir le fourneau fonctionner et avec qui nous avons eu une discussion riche d'informations sur ce sujet.

Notre premier problème a été celui de la matière première. Nous n'avions à notre disposition qu'un torchis difficilement manipulable car mélangé à de la chaux, nous n'avons donc pas pu réaliser la grille avec ce torchis qui nous a servi pour le "gros oeuvre" (voûtains, piliers, murs). Pour le bois (nécessaire à l'armature), nous avons utilisé du noisetier car facilement récupérable sur le site. Les moules à sel ont été, pour une partie, fabriqués selon des formes retrouvées en fouilles et , pour une autre partie, été composés de céramiques déjà fabriquées sur le site mais plus utilisables (vases ébréchés). Quant à la grille, elle a été fabriquée en argile provenant d'une argilière de la Somme que nous n'avons pas nettoyée (dégraissant fait de matière végétale et de nombreux cailloux de taille moyenne).

L'idée a été celle de reconstituer, en plus petit, un type de fourneau bien particulier appelé fourneau à grille à entrées diamétralement opposées du type de ceux de Sorrus, Conchil-le-Temple (Pas-de-Calais) et de Pont-Rémy (Somme). Le fourneau que nous avons réalisé se compose d'une fosse, d'une superstructure en torchis et d'une grille en argile.

La fosse mesure 2,86 m de long pour une largeur de 1,10 m au sud et 1,28 m au nord et pour une profondeur approximative de 0,60 m.

La superstructure en torchis est située au centre de la fosse, elle se compose de trois piliers (hauteur moyenne de 0,55 m) soutenant chacun un voûtain (L=1m env.; l=0,13 m env. au niveau du mur et 0,7 m env. au niveau du pilier ; épaisseur=0,20 m env. au niveau du mur et 0,13 m env. au niveau du pilier) reposant, de chaque côté, sur un mur en torchis avec une armature fait d'un clayonnage de noisetier.

               

(fosse et fourneau en torchis)

En ce qui concerne la grille, nous avons décidé de la réaliser en quatre parties contrairement à ce que les fouilles ont livré. En effet, ils nous auraient fallu fabriquer la grille en une seule partie en intégrant les trois voûtains comme éléments principaux mais la qualité médiocre du torchis ne nous permettait pas cette réalisation. La grille a donc été fabriquée en argile (comme pour les fourneaux originaux) mais en quatre parties pour une meilleure manipulation.

(un des quatre éléments de la grille en argile)

La durée de séchage n'a pu être déterminée avec précision car tout n'a pu être en une seule fois. Les murs en torchis ont été réalisés en premier puis, plusieurs jours plus tard, les piliers et les voûtains. Des petits feux ont pu accélérer le séchage. 

(feu de séchage du four et des éléments de la grille)

Le premier "gros" feu ( pour la cuisson du fourneau) nous a permis d'en tester le comportement. La situation topographique (sur une butte mais légèrement abritée par quelques arbres) permet aux vents un apport constant d'oxygène et donc un bon tirage dans la fosse.

La première cuisson de sel, nous a permis de chronométrer le phénomène de cristallisation. Moins de 6 heures nous ont été nécessaires pour obtenir une bonne cristallisation. La quantité de sel obtenue était de plus de 600g avec trois gobelets de 0,316 l mais le sel n'avait rempli que les 2/3 du gobelet. La saumure versée continuellement dans les gobelets pendant la cuisson était concentrée à 330g de sel par litre d'eau. Les gobelets reposaient sur des petits supports en argile (hand-bricks) qui évitaient au sel de souder les gobelets à la grille.

                   

(photos de la première cuisson)

Nous n'avons pas pu démouler convenablement les gobelets pour obtenir des pains de sel puisque ce dernier a adhéré sur les parois. Cette première cuisson a été riche d'enseignement mais nous n'avons pas pu mesurer le volume de bois nécessaire à une cuisson, très important malgré tout.

      

(photos de la deuxième cuisson)

Le but de la deuxième cuisson était de produire plus de sel que la première fois et de tester des gobelets en trois parties (3 tiers de cylindre) comme on a pu en retrouver à Conchil-le-Temple (Pas-de-Calais, Gilles Prilaux 2000, p.63), probablement utilisés pour un meilleur démoulage des pains de sel. Le problème de ces gobelets est de pouvoir les assembler sans que le liquide coule à travers. Nous avons pas pu obtenir une bonne cristallisation avec ce type de moule par contre, nous les avons utilisés comme moules secondaires, c'est-à-dire que nous avons réalisé une cristallisation partielle de la saumure dans un gobelet "classique" jusqu'à obtention d'une pâte salée puis nous avons mis cette pâte dans le moule en trois parties et nous l'avons posé sur la grille pour que la cristallisation se termine. Ce type de moule en trois parties servait probablement à obtenir des pains calibrés. La production n'a pas encore été pesée (certainement plus d'un kilo). La durée de cuisson a été sensiblement la même, environ 6 heures ainsi que le volume de bois. D'autres photographies viendront compléter ce dossier prochainement.

 

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