Un
historique des cités du Nord de la Gaule,
des Belges aux
Gallos-romains
par Cyrille CHAIDRON (Webmasterde Gallia Belgica)
Une petite présentation chronologique et géographique du département de la Somme à l’époque gauloise |
Ce
présent texte est une petite présentation de l’histoire de l’implantation
du peuple des Ambiens qui s’est installé dans la vallée de la Somme
et qui donna au Bas-Empire son nom à la ville d’Amiens (préfecture du département
de la Somme).
Au
milieu du IXe siècle avant J.-C., les Celtes d’Europe Centrale progressent
vers l’Occident, ils sont les ancêtres de ces Celtes qui ont peuplé la
grande partie de l’Europe à partir du IVe siècle. Cette période est appelée
période de Hallstatt (850-450 avant J.-C.) prenant le nom d’un site éponyme
en Autriche. Sur le plan archéologique, nous connaissons très peu de sites de
cette époque dans la Somme : Picquigny, Heilly, peut-être Caix, Famechon
(Fouille D. Vermeersch), la « Madeleine-au-lait » à Amiens (Fouille
E. Mantel, 1978).
Le
deuxième Age du Fer (période de La Tène, site éponyme suisse, deuxième Age
du Fer, 450-30 avant J.-C.) est la période d’implantation du peuple des
Ambiens. Cette ethnie fait partie d’une des trois entités qui se partageaient
la Gaule : le peuple Belge. Les Belges appartiennent à des groupes
celtiques d’origine germanique, localisés dans les plaines de la Westphalie
actuelle qui ont passé le Rhin probablement au cours du IVe siècle avant J.-C.
ou plus probablement au début du IIIe siècle avant J.-C. Leur migration dans
le nord de la Gaule est certainement le résultat de la progression d’autres
groupes d'origine germanique, ce qui les a obliger à s'implanter à la place
des populations autochtones issues de l'Age du Bronze. Les Ambiens choisirent de
s’installer sur les riches terres situées de chaque coté de la Somme, cela
serait l’explication de leur étymologie « les gens de la rivière »
ou « de chaque côté ».
Une
datation précise de leur implantation est difficile de part le faible nombre
des découvertes de la période de La Tène dans le bassin de la Somme.
Actuellement les découvertes d’Allonville, à quelques kilomètres au
nord-est d’Amiens (fouilles de 1966, FERDIERE, GAUDEFROY et MASSY 1973),
de Port-le-Grand (LEMAN-DELERIVE 1976), et les grandes fouilles
linéaires qui ont livrées de nombreux sites de La Tène moyenne (TGV, autoroutes :
fouilles d’Estrées-Deniécourt et de Martainneville par E. Binet et P. Barbet sur
l’A28 ; Vignacourt, fouille de J. Bouillot sur l’A16 nord ;
Saint-Riquier-en-Rivière, fouille d’E. Mantel, A28; BAYARD et
BARBET 1996, p. 177)
constituent une source capitale d’informations pour l’étude du second Age
du Fer dans le département de la Somme. Les recherches sur le site de
Ribemont-sur-Ancre devront apporter les réponses les plus intéressantes aux
questions de l’installation du peuple Ambien, son origine, les événements de
cette implantation ainsi que des réponses sur les mentalités religieuses
puisqu’il s’agit d’un ensemble à vocation cultuel (mais peut-être aussi
une agglomération secondaire, BRUNAUX 1996, p. 218-219). Le site a d’abord été
fouillé par A. Ferdière en 1966 et 1967 puis par J.-L. Cadoux avec le Groupe
Archéologique des Étudiants d’Amiens, de 1968 à 1987, qui a associé son
nom à ces découvertes majeures (professeur à l’Université de Picardie),
enfin, une équipe du CNRS (actuel UMR 126-1), sous la direction J.-L. Brunaux
continue l’étude de cet ensemble cultuel exceptionnel. Pour J.-L. Brunaux, la
création de ces sanctuaires tels Ribemont-sur-Ancre mais aussi
Gournay-sur-Aronde (Oise) ne peuvent être antérieure aux années 280 avant
J.-C. (BRUNAUX 1996, p. 215), ceci permettant ainsi de préciser l'implantation
des Belges dans ce territoire qui n'est pas uniquement une région de passage mais
aussi, comme l'ont suggéré C. Marmoz et J.P. Mohen, une
entité territoriale au particularisme marqué (au regard des rites funéraires
pratiqués notamment pour les incinérations d'Allonville ; MARMOZ et
MOHEN 1973).
Esquisse d'une délimitation géographique de la civitas (cité) des Ambiani |
Quelques auteurs anciens ont écrits sur le peuple ambien. Le plus célèbre est sans conteste le conquérant de la Gaule, Jules César (100-44 av. J.-C) , qui a décrit le territoire des Belges à travers ses conquêtes dans son livre « Commentaires sur la Guerre de Gaules » (pour les occurrences sur les Ambiens : II, 4 ; II, 15 ; VII, 75 ; VIII, 7).
Il est difficile et hasardeux de se retourner vers les auteurs anciens pour trouver les limites de cette cité. Peut-on seulement citer Strabon et Pline l’Ancien qui mentionnent l’existence de ce peuple mais sans autres précisions. Ptolémée, au IIe siècle après JC, dans son Guide Géographique mentionnent la longitude et la latitude de Samarobriva (Amiens gallo-romain) et sur les voisins des Ambiens, à savoir les Morins au nord et les Bellovaques au sud (BAYARD et MASSY 1983, p. 15-16).
Plus
précisément, les peuples entourant les Ambiens sont les Morins au nord
(littoral du Pas-de-Calais, chef-lieu de cité : Therouanne/Tarvenna),
les Atrébates (l’Artois, chef-lieu de cité : Arras/Nemetocenna-Nemetacum) au
nord-est, les Viromanduens à l’est (département de l’Aisne, région de
Vermand – Saint-Quentin, chef-lieu : Augusta Viromanduorum), les Bellovaques au sud (département de l’Oise,
chef-lieu : Beauvais/Caesaromagus après la conquête,
Bratuspantium à l'époque gauloise?) et
les Calètes au sud-ouest (Pays de Caux, Seine-Maritime, chef-lieu :
Lillebonne/Juliobona). Mais la connaissance de leur voisins ne donne pas les limites du
territoire.
Une
base pour entrevoir les éventuelles frontières est le Concile de Chalcédoine,
tenu en 451 après J-C. On demanda à l'issu de ce concile de faire coïncider les limites de
la Cité, où résidait l’évêque, avec celles de leur juridiction épiscopale.
On peut, à partir de cela, mettre en relation les frontières des cités
gauloises avec celles des diocèses mais c’est un exercice périlleux car il
occulte une éventuelle évolution des limites territoriales depuis le début de
la période gallo-romaine. Plusieurs études ont permis d’entrevoir les
possibles limites de la civitas des Ambiens
(BAYARD et MASSY,
1983, p. 14-20 ; LEDUQUE 1972, GARDIN 1996, CHASTAGNOL 1995). Les frontières sont calquées sur le réseau hydrographique des départements
de la Somme et du Pas-de-Calais. La limite nord suit le tracé de la Canche dans
le Pas-de-Calais puis, en direction du sud-est, vers les sources
de la Grouches, de l’Authie et de l’Ancre. On descend vers le sud en
traversant la Somme au niveau, peut-être, de Bray-sur-Somme et laissant la
partie orientale du département aux Viromanduens (région de
Vermand-Saint-Quentin). Pour la
frontière avec le Bellovaques, au sud (région de Beauvais), on part de
Boulogne-la-Grasse (Oise) jusqu’à Molliens et Broquier (Oise). Enfin, on
remonte le long de la vallée de la Bresle pour terminer les frontières de ce
territoire. Mais l’étude récente de Fabrice Gardin (GARDIN 1996)
fait apparaître que le territoire des Ambiens était certainement plus grand
que ce qu’on avait imaginé pour sa partie méridionale. F. Gardin et A. Chastagnol (CHASTAGNOL
1995)
descendent la frontière sud-ouest du territoire des Ambiens jusqu'à la rivière
de la Scie, au sud de Dieppe (Seine-Maritime). De plus, l’inscription du Bois l’Abbé, dans la
Seine-Maritime, mentionnant un PAGO
CATUSLOU (MANGARD 1992), confirme l’existence d'un peuple, celui des Catuslugui,rattaché aux
Ambiens et décrit par Pline. Ceci permet donc de descendre la frontière
dans le nord du département de la Seine-Maritime.
|
L'énumération suivante est classée dans un ordre alphabétique et non géographique, il suffit de se reporter à la carte ci-dessous pour situer ces peuples. Le chef-lieu de cité est entre parenthèses.
Le peuple des AMBIANI (Samrobriva/Amiens), des ATREBATES (Nemetocenna-Nemetacum/Arras), des BELLOVACI (Bratuspantium? Caesaromagus/Beauvais), des MENAPII (Castellum Menapiorum/Cassel), des MORINI (Tarvenna/Therouanne), des NERVII (Bagacum/Bavai), des REMI (Durocortorum/Reims), des SILVANECTI (Augustomagus/Senlis), des SUESSIONES (Augusta Suessionum/Soissons), et des VIROMANDUI (Augusta Viromanduorum/Saint-Quentin).
(Cliquez sur l'image ci-dessus pour afficher la carte des peuples de la Gaule Belgique)
Bibliographie :
CESAR , La Guerre des Gaules, trad.L.A. Constans, Les Belles Lettres, Paris, 1950.
BAYARD et BARBET 1996 - D. BAYARD et P. BARBET, « Les tombes de Vismes-au-Val (Somme) dans le contexte du Belgium », Revue Archéologique de Picardie, n° ¾, 1996.
BAYARD et MASSY 1983 - D. BAYARD et J.-L. MASSY, Amiens Romain, Samarobriva Ambianorum, R.A.P., 1983.
BRUNAUX 1996 - BRUNAUX J.-L., "Chronologie et histoire : les lieux de culte dans la genèse du Belgium", Revue Archéologique de Picardie, n°3/4, 1996, p. 209-221.
CHASTAGNOL 1995 - A. CHASTAGNOL, « La frontière provinciale entre Belgique et Lyonnaise à l’époque gallo-romaines dans sa partie occidentale » dans La Gaule romaine et le droit latin, Lyon, 1995, p. 40-44.
FERDIERE, GAUDEFROY et MASSY 1973 - A. FERDIERE, R. GAUDEFROY et J.-L. MASSY, « Les sépultures gauloises d’Allonville (Somme) », Bulletin de la Société Préhistorique Française, tome 70, 1973, Etudes et travaux, p. 479-491.
GARDIN 1996 - F. GARDIN, Urbanisation et structure du territoire dans la cité des Ambiens au Haut-Empire, Mémoire de maîtrise, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1996, 2 vol.
LEDUQUE 1972 - A. LEDUQUE, Esquisse de topographie historique sur l’Ambianie, Annales du C.R.D.P., Amiens, 1972.
LEMAN-DELERIVE 1976 - G. LEMAN-DELERIVE, « Le cimetière gaulois de Port-le-Grand (Somme) », Cahiers Archéologiques de Picardie, n° 3, 1976, p. 97-115.
MAHEO et al. 1993 - N. MAHEO, D. BAYARD, J.-C. BLANCHET et J.-P. FAGNART, L'archéologie à Amiens de la préhistoire à la ville gallo-romaine, Ed. Musée de Picardie/Ville d'Amiens, Musées d'Amiens, 1993.
MANGARD 1982 - M. MANGARD, « L’inscription dédicatoire du théâtre du Bois l’Abbé à Eu », Gallia, tome 20, 1982.
MARMOZ et MOHEN 1973 - C. MARMOZ et J.P. MOHEN, Les sépultures gauloises d’Allonville (Somme), B.S.P.F., 70, 1973, p. 483-491.
Les villes de la Gaule Belgique au Haut-Empire, Actes du colloque de Saint-Riquier (Somme) les 22-23-24 octobre 1982, Revue Archéologique de Picardie, n°3-4, 1984.